Une des épouses d’un prince d’Arabie Saoudite est accusée d’avoir fait du trafic d’êtres humains aux Etats-Unis, pour s’offrir les services d’une esclave domestique et peut-être même plusieurs. Une très mauvaise habitude chez les nobles Saoudiens.
N’est pas une gentille princesse à la Disney qui veut. Meshael Alayban (photo ci-dessus), 42 ans, l’une des six épouses d’un petit-fils du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, a été inculpée hier pour esclavagisme en Californie pour avoir fait travailler une domestique dans des conditions abusives. L’employée, une mère de famille d’origine kenyane dont la fille a besoin d’un traitement médical onéreux, avait été recrutée en Arabie Saoudite en 2012 par une agence, et devait travailler huit heures par jour, cinq jours par semaines, pour 1600 dollars par mois. En pratique, elle travaillait dans le palais saoudien de la princesse et sa résidence à Irvine (comté d’Orange, sud-est de Los Angeles) seize heures par jour, sept jours sur sept, pour un modique salaire mensuel de 220 dollars par mois. Entre autres, elle s’occupait de huit personnes de la famille d’Alayban, qui vivent dans quatre appartements différents situés dans le même immeuble.
De 20 à 5 millions de dollars
Meshael Alayban a finalement été arrêtée en Californie mercredi 10 juillet. Pour marquer le coup, le procureur, Tony Rackauckas, avait au départ demandé une caution de 20 millions de dollars, affirmant que l’ambassade saoudienne s’était dite prête à verser immédiatement un million. Finalement, elle pourra sortir de prison contre une caution de 5 millions de dollars, et sera contrainte au port permanent d’un bracelet avec système de géolocalisation qui l’interdit de quitter le comté sans permission.
La princesse est en plus « accusée d’avoir pris le passeport de la victime et de l’avoir empêchée de retourner au Kenya », selon le bureau du procureur. Elle avait demandé à son employée de mentir sur ses conditions de travail lors du rendez-vous à l’ambassade américaine pour l’obtention du visa en mai. A son arrivée en Californie, la plaignante avait pu récupérer son passeport pour passer l’immigration, mais il lui avait aussitôt été repris et caché dans un coffre-fort. Selon le procureur, « ce n’est pas un différend sur le travail. Il s’agit de retenir quelqu’un en captivité contre sa volonté ».
Deux autres probables esclaves domestiques
Lors de l’arrestation de Meshael Alayban, les autorités ont découvert dans l’appartement quatre jeunes femmes Philippines qui pourraient, elles aussi, être victimes d’esclavagisme. Comme la jeune Kenyane, toutes se sont vues retirer leurs papiers d’identité à leur embauche, et ne les ont récupérées que pour passer les contrôles à l’aéroport. Pour le moment leur cas fait l’objet d’une enquête, mais le doute reste faible sur la raison de leur présence sur place.
Car ce n’est pas la première fois que des aristocrates saoudiens sont accusés d’esclavage moderne.
En décembre 2012, une jeune femme Kenyane s’était confiée au Nouvel Observateur, pour raconter son calvaire en tant qu’esclave dans une famille royale saoudienne dont elle ne connait même pas le nom au bout de trois ans. Ses co-détenues, des jeunes Philippines, et Sri-Lankaises. Quelques extraits de son récit : « Mes journées débutent à 5 heures du matin. Je prépare leur petit déjeuner, je les réveille et je les habille. Oui, même adolescentes, elles ne s’habillent pas seules. La première fois, la plus jeune m’a dit : ‘Mets-moi mes chaussettes, dépêche-toi !’ (…) Nous n’avons pas le droit de laver nos affaires dans la machine, devant nous contenter du lavabo. Parfois nous trichons bien sûr mais l’une d’entre nous, je ne sais pas pourquoi, nous dénonce. La princesse nous gifle. (…) Jamais un jour de repos et une vue bouchée par les rideaux aux fenêtres. Nous gagnons 600 riyals par mois (l’équivalent de 125 euros). Je n’ai pas le droit de téléphoner à ma famille. (…) En octobre 2008, la famille séjourne à Genève et décide de faire une escapade à Paris. Nous prenons le train. Je suis la seule domestique à être du voyage. Je reste dans la chambre, à faire la lessive à la main, puis à repasser le linge de toute la famille, les parents et leurs sept enfants. Un jour, alors que les autres sont sortis, le fils aîné ouvre la porte. Il est armé d’un couteau. Il me viole. » .
La princesse esclavagiste sera probablement la première personne à subir la nouvelle loi sur le trafic d’êtres humains, qui a été renforcée après un référendum en novembre dernier. Elle encourt 12 ans de prison.