Le quinoa: une malédiction qui frappe les Andes

Arthur Beaufils 29/06/2012 0

Etre écolo, manger bio, ce sont entre autre les nouvelles préoccupations du « bobo » ou du « bobobo » (bourgeois bohême bouddhiste). Aujourd’hui qui est réellement écolo ? Une très infime part de la population. Les écologistes en politique ? N’en parlons pas ! À l’image de l’égérie Cécile Duflot, les intérêts personnels priment toujours sur l’idéal. Pourtant, la démocratisation du bio version écolo renforce parfois un certain impérialisme de l’occident sur les pays du Sud. Explications avec le quinoa

un producteur de quinoa a pacoma en bolivie1 Le quinoa: une malédiction qui frappe les Andes

Redécouverte par les pays industrialisés dans les années 70, le quinoa est un aliment sain dont la culture est cinq fois millénaire sur les hauts plateaux andins. Au début des années 2000 commence sa démocratisation effrénée. En 2005, la Bolivie, le premier exportateur mondial, voit ses surfaces agricoles consacrées à la graine doublées. C’est aujourd’hui 70 000 hectares de terres qui sont dédiés au quinoa pour une production de 44 000 tonnes en Bolivie, qui assure 70% de la production mondiale en l’absence de données au Pérou.

Cette « pseudo-céréale », qui fait partie de la même famille que l’épinard ou la betterave, connaît un succès extraordinaire. Les prix, la demande sont en constante augmentation.

2013 a été déclarée « Année mondiale du Quinoa » par les Nations Unies. Evo Morales, le président bolivien, a même été désigné « ambassadeur spécial » de la FAO (Food and Agriculture Organization), l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation. La promotion de ce « super aliment » est le but avoué de cette année spéciale (programme qui coûterait environ 12 millions de dollars - ).

La tonne s’envole car l’occident en raffole

La FAO veut se servir du quinoa pour lutter contre la crise alimentaire mondiale. Notamment suite « aux émeutes de la faim » de 2008. Douce utopie voire complète hypocrisie quand on connaît les pays importateurs de la graine miraculeuse. Les deux tiers de la production totale partent à l’exportation. 54% aux Etats-Unis, 32% en Europe et 6% au Canada. Aucunes de ces régions ne souffrent d’une crise alimentaire de consommation ou de production.

À 3000 dollars la tonne, le sachet d’un kilo atteint les 5 dollars en Bolivie. Soit 35 bolivanos. Une fortune pour les classes les plus pauvres. Le prix du kilo a triplé en cinq ans et la consommation a baissée de 30%. C’est toute une culture qui est impactée. La Bolivie augmente donc ses importations de riz pour soutenir la hausse de la demande nationale pour ce féculent qui est devenu moins cher que le quinoa.

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L’impérialisme alimentaire version XXI siècle

Cette culture ancestrale, dans un pays où la propriété privée n’est pas très bien définie pour les terres agricoles, réagit mal aux perversités de la mondialisation. Ces derniers mois, de violents affrontements s’enchainent entre agriculteurs qui se dispute des terres.

« Si l’activité productive reste centrée sur une espèce séculaire, (…) le système agraire, l’organisation collective et l’organisation familiale de la production ont été bouleversés (…) avec des conséquences diverses, pour aboutir aujourd’hui à une crise foncière, et des tensions sociales multiples », note une étude française de 2010.

Nourrir les prétendus écolos occidentaux en faisant croire à l’enrichissement d’une région et d’un peuple. L’effet inverse est en train de ce produire. Tel est ce qu’on pourrait appeler le « mensonge du quinoa ». Socialement mais aussi écologiquement et économiquement, la situation se détériore.

« La non régulation de l’extension et de la localisation des parcelles dans la plaine ont abouti à une monoculture de parcelles de quinoa contigües, favorables à la multiplication des ravageurs de la culture et à l’érosion éolienne », poursuit l’étude. « La marginalisation de l’élevage a provoqué une baisse de la production de fumier et la perte de la sécurité financière que constituait la vente des animaux dans les moments de nécessité. »

Peuple asphyxié, culturellement, économiquement, en proie à des troubles sociaux internes inédits, ce sont les bienfaits du quinoa dans les Andes. On ne saurait même pas comment nommer ce phénomène. Impérialisme alimentaire ou bien impérialisme bourgeois bohême ?

 

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