Le mariage gay: une adoption difficile

Raffael Enault 19/09/2012 1

Actuellement au coeur des débats, la légalisation du mariage entre personnes du même sexe suscite beaucoup de réactions différentes parmi les français. L’opinion publique semble désormais prête à accepter cette nouvelle forme d’union. Néanmoins, l’adoption d’enfants par des couples homosexuels pourrait encore poser problème dans l’esprit d’une grande partie des gaulois.

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Noel Celis / AFP

*Mariage (définition selon le Larousse): Acte solennel par lequel un homme et une femme (ou, dans certains pays, deux personnes de même sexe) établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par le Code civil (mariage civil) ou par les lois religieuses (mariage religieux) ; union ainsi établie.

En France, pays connu depuis des siècles pour son caractère avant-gardiste en matière de moeurs, la légalisation du mariage entre personnes du même sexe ne semble plus être qu’une question de temps. Autrefois tabou, l’homosexualité s’affiche désormais en public. Dans certaines grandes villes, être homo est quasiment devenu un must pour être reconnu socialement. Seulement, même si ne pas être hétéro n’est absolument plus un problème dans les zones urbaines les plus développées, la question reste toujours délicate dans certaines parties de « la France profonde. »

L’idée que les urbains dicteraient ce qui est bien et ce qui est mal aux ruraux doit néanmoins être manipulée avec précaution. En France, beaucoup auraient en effet tendance à penser que toutes les décisions devraient être prises pour et par des gens « civilisés. » L’avis du beauf compte peu. Erreur, bien que siégeant à Paris, les députés ont été élu en province, dans des dizaines de circonscriptions paumées, par justement ces gens qu’une certaine élite pseudo-intellectuelle dénigre en permanence.

Interrogé à ce sujet, les français expliquent les raisons de leurs choix. Pour Julien, 22 ans et étudiant à Rouen, « le mariage est un choix strictement personnel qui ne regarde pas les autres. » Par contre, il nuance ensuite son discours en expliquant le malaise que pourrait par exemple provoquer l’adoption pour justement l’enfant adopté par un couple de « papas » ou de « mamans.« 

Arguant en ce sens, Kevin 23 ans, originaire de Marseille mais résidant à Paris explique que selon lui « il va se faire martyriser à l’école le morveux si on apprend qu’il a deux pères, homosexuels de surcroît… » En effet, l’innocence des enfants s’arrête bien souvent au moment de passer les portes de l’école. Il serait irresponsable de négliger l’impact que le regard des autres pourrait avoir sur « un gosse de pédés » en pensant simplement que « les moeurs évoluent. » Pour Kevin, « minimiser la violence des enfants entre eux et les répercussions que cela peut engendrer, c’est faire montre d’une infinie connerie. Un enfant est très influençable et le regard que les autres lui portent contribue à son développement. Il ajoute ensuite qu’il « suffit qu’un gosse soit mal fringué pour qu’on le traite de pauvre. »

Pour Romain, étudiant originaire d’Anger, « le mariage homosexuel va avec l’évolution des moeurs, un jour ou l’autre il sera autorisé. » Mais selon lui, « c’est encore trop tôt. » On est à une époque ou la société évolue à une vitesse folle et je pense qu’il y a besoin d’avoir un socle solide sur lequel cette société peut s’appuyer. » Au sujet des moqueries potentielles des autres jeunes à l’égard des enfants d’homos n’est pas un argument recevable: « les gamins trouveront toujours une raison de se moquer, je peux pas comprendre que l’avis d’une bande de gamins bornés puisse être un argument. Ce qui compte c’est l’éducation et seulement l’éducation de l’enfant. Et à ce niveau là je suis convaincu que bon nombre de couples homosexuels feraient de meilleurs parents que les cas sociaux avec enfant à charges qu’on croise tout les jours. »

Séverine Droussot, institutrice aux contacts des plus jeunes au quotidien ne voit également aucun problème par rapport aux éventuelles railleries des autres car « même si les parents ne sont pas du même sexe, les enfants sont catalogués aussi, c’est très humain. »

Et si les français n’étaient qu’une bande de vieux cons réactionnaires?

Clarisse, jeune infirmière rouennaise se prononce en faveur des gays: « à la vue du nombre d’enfants mal traités, violés, abandonnés ou « mal aimés » par leurs parents biologiques et hétéros, un couple d’homosexuels qui souhaite de tout coeur avoir un enfant, et le rendre heureux, mérite d’obtenir le droit à l’adoption. » Pour elle, « il en va de la responsabilité des parents homosexuels adoptants d’apprendre à leurs enfants que leur famille est « originale » et qu’il existe d’autres modèles de famille. Elle conclu en argumentant que « ce serait une grande reconnaissance pour eux et une grande preuve d’intelligence pour les autres. »

Pour Marie, 20 ans et résidant entre Paris et Chartres, « le rôle de parent ne doit pas être lié à la manière dont ils vivent leur sexualité. » En bref, et c’est logique, les homosexuels n’ont pas de raisons d’être de pires parents que des hétéros.

L’église: la clef du problème et le dernier rempart Le mariage gay: une adoption difficile

L’archevêque de Lyon, Monseigneur Barbarin, a mis le feu aux poudres en réaffirmant dans une interview diffusée vendredi soir par la radio RCF et la chaîne TLM son opposition au projet de loi sur le mariage homosexuel, qualifié de « rupture de société ». « Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera », a ajouté le cardinal. Selon ce dernier, le mariage qui unit un homme et une femme « a un peu plus de force et de vérité qui traversera les cultures et les siècles que les décisions circonstancielles ou passagères d’un Parlement. »

Aussitôt, le maire de Paris Bertrand Delanoé, ardent défenseur du droit des homos, a répondu à Mrg Barbarin: « c’est très choquant, et c’est même étonnant venant de lui, parce que c’est un homme que je considère comme un homme sage. » Il a ensuite ajouté: « Je ne sais pas ce qu’il lui a pris, il a un peu pété les plombs, et ce qu’il dit est franchement moche. »

Pour Marie et Brigitte, étudiantes toutes les deux et surtout favorable au mariage civil et à l’adoption d’enfants par des couples du même sexe, la question du mariage religieux serait plus délicate. Selon l’éducation qu’elles ont reçu dans leur jeunesse, elles considèrent que la religion pourrait être incompatible avec la notion de mariage homo.

Seulement, le problème semblerait un peu plus complexe qu’une simple querelle entre un gouvernement progressiste et une église conservatrice. Le chroniqueur et écrivain Eric Zemmour explique que « le mariage est un lien social. C’est pour éduquer les enfants, ce n’est en rien la consécration d’une histoire d’amour. D’ailleurs le code civil ne parle pas d’amour, il parle de protection, de fidélité. Il n’y a pas le mot amour là-dedans. C’est un mythe moderne ridicule, qui veut romancer tout, et qui détruit tout par la romance. »

Sensiblement du même avis Mgr Rey, l’évêque de Toulon, a déclaré récemment « Si on fait du mariage la consécration d’une histoire d’amour, moi je propose, il n’y a aucune raison : si un frère aime une sœur, il a le droit de l’épouser, si on s’aime à trois ou quatre, on a le droit de se marier à trois ou quatre. Il faut donc rétablir la polygamie puisque l’amour consacre tout ça, et il n’y a plus de limite. Donc j’attends la prochaine étape qui est la restauration de la polygamie, et l’autorisation du mariage entre frères et sœurs qui s’aiment. » Selon lui et Christine Boutin, la présidente du Parti chrétien-démocrate, un référendum devrait être organisé à ce sujet….

La mariage tout entier remis en question

Dans une société où un mariage sur deux se terminent actuellement en divorce et où la durée moyenne d’une union ne cesse de diminuer d’année en année, beaucoup s’interrogent sur le sens même de se marier. Le mariage entre deux personnes du même sexe ne serait pour certain qu’un caprice anachronique d’une communauté gay finalement assez peu représentative de l’ensemble des homosexuels. Pour Kevin, c’est clair, « il y en a marre des mariages. » Pour lui, « la communauté gay est la pire chose qui est arrivée aux homosexuels depuis l’avènement du christianisme. »

Amaury, 23 ans et formateur en entreprise dans la région rouennaise, semble également argumenter en ce sens et s’interroge: « ça n’a pas vraiment de sens, que cherche-t-on avec ça ? que les homos soient reconnus ? mais c’est le cas depuis longtemps et socialement, cette fameuse « communauté gay » a déjà beaucoup plus d’influence que celle des motards par exemple. »

Les débats à ce sujet s’annoncent d’ores et déjà animés tant les avis des uns et des autres apparaissent tout simplement très divergents…

Au 19 septembre 2012, onze pays, de quatre continents différents, ont légalisé le mariage pour les personnes homosexuelles sur l’ensemble de leur territoire :

  • les Pays-Bas en 2000 avec mise en application de la loi en 2001
  • la Belgique en 2003
  • l’Espagne et le Canada en 2005
  • l’Afrique du Sud en 2006
  • la Norvège en 2008
  • la Suède en 2009
  • le Portugal, l’Islande et l’Argentine en 2010
  • le Danemark en 2012

La réaction de Monseigneur Barbarin qui a provoqué la polémique:

One comment on “Le mariage gay: une adoption difficile

  1. C’est fou comme, quand il s’agit de l’adoption, je remarque que les gens qui s’oppose à l’union des homosexuels prennent l’exemple de « mais ils auront deux pères! ». Comme si lesbiennes, elles, ça ne poseraient aucun problème.

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