Rémy Aron est un peintre. Président de la Maison des Artistes, il m’a reçu dans son atelier pour m’expliquer les raisons de sa colère : le gouvernement souhaite réformer la MDA qui gère actuellement le régime de sécurité sociale des artistes ; lui s’y oppose.

Rémy Aron

La Maison des Artistes sert-elle vraiment à quelque chose ?

La Maison des Artistes est une association qui réunit tous les artistes des arts visuels de France et de Navarre. Elle est issue de l’entraide des artistes depuis la guerre avec comme base la solidarité ; c’est un lien qui unit les artistes qui sont, généralement, isolés dans leurs ateliers. La Maison des Artistes est une association de loi 1901 qui est, depuis 1975, en charge du régime de sécurité sociale des artistes plasticiens. Il s’agit d’un système collecteur indépendant avec des montants spéciaux qui permet aux artistes d’être au régime général des assujettis ou affiliés à la sécurité sociale. Il est aussi vrai que la Maison des Artistes permet à ses adhérents de bénéficier de cotisations sociales réduites par rapport aux autres travailleurs français, puisque nous payons 15% du bénéfice pour obtenir une ouverture totale des droits au régime de sécurité sociale générale. Mais il faut au minimum générer 8 000 euros de bénéfices pour accéder à ces droits « pleins ».

Pourquoi avoir choisi de s’engager derrière Nicolas Sarkozy en 2007 ?

Soyons clairs : il faut le dire et le redire, mon « engagement sarkozyste » a été principalement relayé par les syndicats d’artistes. En 2007, comme nous faisons pour chaque élection présidentielle, nous avions demandé aux candidats de nous recevoir. Parmi les candidats consultés, Olivier Besancenot nous avait répondu par une lettre, Ségolène Royal ne nous avait pas répondu du, tout comme le Parti Communiste, alors que le siège de campagne de Nicolas Sarkozy avait accepté de me recevoir pour une interview filmée dans leurs locaux. La suite est très simple : cet entretien m’a poursuivi depuis lors. Je ne regrette absolument pas les propos que j’ai tenus dans cette interview. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun engagement politique. À un moment, je me suis engagé du côté du RPR-UMP, même si j’étais gauchiste plus jeune, dans le seul but de faire avancer la cause des artistes. Je ne suis même pas à droite ; cela ne veut plus rien dire. En France, il n’existe plus que deux partis : le parti national et le parti européen. C’est là que sera le nouveau clivage. Actuellement, je dirais que je soutiens le président de la République : il ne fait rien, mais y a-t-il quelque chose à faire ? Honnêtement, la France telle qu’elle est désormais, avec ses difficultés présentes, ne peut pas être réformée ; c’est une vieille dame ankylosée.

Combien de membres compte la Maison des Artistes ?

Il y a 55 000 artistes professionnels identifiés par nos services, dont la moitié sont affiliés. Certains font aussi partie de l’association, c’est-à-dire qu’ils sont à jour de cotisation (28 euros / an). Bien que cela paraisse être un régime avantageux, la Maison des Artistes reste excédentaire. Nous ne coûtons rien à la Nation. L’association comporte aussi cinq salariés mais le bureau dirigeant est bénévole. Ce régime est géré par l’association elle-même qui, dans ses statuts, a en charge la partie concernant la sécurité sociale. Le budget de ce régime est piloté par un conseil d’administration présidé par le vice-président de la MDA.

Pourquoi le gouvernement cherche-t-il à reformer votre association ?

Si certains ministres veulent séparer la Maison des Artistes, c’est pour plusieurs raisons. D’abord, cela leur a été suggéré par l’administration du ministère des Affaires sociales qui aimerait bien supprimer ce qu’ils jugent comme étant original : une association en charge d’un régime, ils n’aiment pas ça. Leur souhait serait de niveler les choses et de créer une caisse de sécurité sociale comme toutes les autres.

Qu’avez-vous à y perdre ?

Les artistes ont à y perdre une relation de connivence avec leur régime, une sorte de solidarité assurantielle. Et à moyen terme, puisque nous n’avons aucune subvention publique, la référence professionnelle et nationale symboliques et réelles qui nous permet d’intervenir à tous les niveaux dans le champ d’application du régime ou des artistes.

Au sein du conseil d’administration (paritaire) siègent aussi les diffuseurs (galeries, commissaires-priseurs, etc.), ainsi que les ministères de tutelle. Et puis, il y a l’AGESSA qui fonctionne en parallèle avec la Maison des Artistes en réunissant les auteurs (musiciens, auteurs, etc.) et les majors (grandes entreprises de musique, maisons d’édition, etc.). Mais ces grandes entreprises ont un poids considérable face aux artistes indépendants et aux petites galeries, et si on veut faire fusionner les deux au sein de la MDA, pourquoi pas ? J’ai d’ailleurs vu pendant une heure, il y a quelque temps, Régine Hatchondo (conseillère à la culture auprès du premier Ministre) à qui j’ai expliqué en détail la situation qu’elle ne connaissait pas parfaitement. Mais même au plus haut niveau du gouvernement, personne ne sait quand sera prise une décision concernant la Maison des Artistes. La question aujourd’hui est donc de faire comprendre au gouvernement que cette réforme précariserait encore plus les artistes plasticiens en leur supprimant un service auquel ils tiennent. Si nous sommes mélangés aux autres et conduits vers un mode de fonctionnement purement administratif, nous perdrons toute spécificité. Or, la Maison des Artistes offre un régime spécifique et avantageux aux artistes.

Ne penses-vous pas que c’est un combat perdu d’avance ?

Non. Notre régime de sécurité sociale ne coûte rien à l’État : c’est un travail d’intérêt collectif. C’est une guilde des artistes. Si seulement le gouvernement nous donnait des raisons valables pour réformer notre système, peut être que nous accepterions.

Je suis au milieu de mon deuxième mandat à la Maison de Artistes, et j’aimerais vraiment que l’on puisse sauver et conserver la structure telle qu’elle existe aujourd’hui. Notre pays en a besoin. Sans la Maison des Artistes, seuls le marché et l’État dirigent le monde de l’art. Or, il faut que les artistes puissent avoir leur mot à dire, puisque ce sont eux les vrais experts dans ce domaine.

Puis, les syndicats d’artistes sont représentatifs mais ils ne disposent pas du pouvoir de bloquer tout Paris ; la cause des artistes plasticiens ne mobilise pas beaucoup de monde. Mais, la Maison des Artistes avec ses 20 000 adhérents, possède un pouvoir tout de même plus conséquent que les autres. À chaque fois que nous avons voulu organiser une manifestation, nous avons pu réunir plus d’un millier de personnes, ce qui n’est déjà pas si mal ! Mais ce n’est pas ce que nous souhaitons, sauf si, à terme, le gouvernement poursuit son projet de réforme de notre régime. Ce projet semble traîner mais nous sommes prêts à améliorer encore les choses pour les artistes ; nous ne nous laisserons pas faire pour un projet de réforme qui est illusoire.

Pensez-vous que dans dix ans, la Maison des Artistes existera toujours ? D’ailleurs, Comment voyez-vous évoluer votre carrière de peintre d’ici là ?

Au vu de la situation actuelle, il serait judicieux de se tourner vers l’Asie. J’ai fait plusieurs voyages en Chine récemment où j’accompagnais une exposition qui, à chaque étape là-bas, a réuni plus de 500 000 visiteurs. Quand on revient de Chine, on a l’ impression d’entrer dans un village quand on arrive à Paris. Mais je ne quitterai pas la France : j’y suis très bien et mon seul espoir est que la France parvienne à se fondre dans une entité européenne plus forte qu’elle ne l’est déjà. D’ailleurs, je suis de plus en plus favorable à une fédération européenne qui formerait les Etats-Unis d’Europe. La France devra s’intégrer dans cette Europe-là si elle souhaite perdurer ; c’est le seul espoir. Sinon, nous finirons totalement marginalisés face aux grandes puissances de ce monde. À terme, on peut espérer que soit fonder un statut social européen, et pas seulement pour les artistes mais pour tout le monde. Pour nous, l’idée serait désormais de parvenir à construire une Maison des Artistes européenne basée sur notre culture commune.

Pourquoi certains groupements d’artistes contestent-ils l’autorité de la Maison des Artistes ?

C’est simplement par jalousie du petit vers le gros. Nous avons toujours essayé de travailler, depuis que je suis élu, tous ensemble mais certains s’obstinent à refuser notre aide. Pourtant, la Maison des Artistes n’appartient à personne…

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