Fukushima : quand les yakusas font la loi

Arthur Beaufils 04/02/2013 0

Un yakusa, le mafioso nippon, a été arrêté pour avoir recruté illégalement de la main d’œuvre qui décontamine le site accidenté de la centrale de Fukushima. L’emprise des gangs sur la région est devenue incontournable.

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Cette interpellation est la première pour ce genre de délit pourtant dénoncé depuis des mois par des journalistes japonais. Yoshinori Arai, 40 ans a été mis sous les verrous par la police nipponne qui le présente comme un membre important d’un groupe yakuza affilié au syndicat du crime Sumiyoshi-kai. Ce « syndicat » est le deuxième plus important de l’archipel, il compterait environ 20 000 membres, en clair, des yakuzas. Arai est accusé de recrutement illégal de travailleurs pour décontaminer une région radioactive autour de la centrale atomique accidentée de Fukushima.

Le recrutement aurait été effectué par trois hommes qui recrutaient sans autorisations gouvernementales pour ce type de contrat « extraordinaire ». Depuis plusieurs mois, des journalistes, à l’instar de Tomohiko Suzuki, dénoncent les pratiques de ces mafias qui envoient des « pigeons »travailler sur les sites dangereux de la centrale. Des hommes, désespérés et endettés souvent à vie par les yakuzas qui leur sont redevables de prêts accordés à des taux astronomiques.

Méthode Yakuza

Les yakuzas jouissent tout de même d’une influence sur la population qui dépasse celle de la simple menace ou la peur qui précède leur réputation. Ce n’est un secret pour personne, sur l’archipel, les yakuzas ont l’habitude de soutenir la population à chaque grande crise, comme à Kobe en 1995 ou bien durant le séisme et le tsunami de 2011. Dans la région de Fukushima, une des plus touchées de la côte Pacifique, les yakusas ont fourni des lits de camps, des couvertures ou encore des repas aux réfugiés, parfois avant les autorités locales qui étaient débordées face à l’ampleur de la catastrophe.

Au-delà de ces actions de type « humanitaire », les yakuzas ont marqué leur territoire dans une région dévastée qui voit des milliards de yens affluer pour la reconstruction. Un scénario qui se répète à chaque catastrophe qui frappe l’archipel. Un journaliste du Shukan Post a enquêté quelques mois après le séisme de 2011 et fait état « d’étroite collaboration » entre la police locale et les groupes de yakuzas. Ces derniers font même des dons à la population pour gagner leur confiance. Le commissaire général de la Police, Takaharu Ando a tout de même déclaré que « l’implication Yakuza dans le processus de reconstruction ne peut pas être autorisée. »

Décontamination des sites : une affaire d’imagination

Fukushima monte sur le triste podium des accidents nucléaires les plus dramatiques que la Terre est connue, avec Tchernobyl (Ukraine) et Three Mills Island (Etats-Unis).

En 1986, les taux de radioactivité présents dans certaines parties de la centrale ukrainienne sont tellement élevés que la radiolyse met hors d’état les robots et autres engins de chantiers en quelques minutes. Les soviétiques ont donc eu recours à des méthodes tout aussi sordides que les yakuzas. Le deal dans une URSS au bord de l’implosion et minée par la guerre d’Afghanistan était simple: 3 minutes à déblayer à la truelle le toit fumant de la centrale de Tchernobyl ou un aller direct pour les combats dans « l’enfer Afghan » face aux moudjahidines. À l’époque, la méconnaissance des risques liés à la contamination radioactive rend le choix facile.

Malgré l’évolution du matériel, le recrutement de personnel pour effectuer ce genre de travaux reste un problème récurrent pour les autorités japonaises. Surtout, ce faits-divers révèle que les yakuzas ont des entreprises qui s’occupent de réhabiliter le site de Fukushima.

Areva et papis baroudeur

Le Japon a fait confiance à Areva, le leader du nucléaire civil, pour traiter la zone contaminée et le site de la centrale de Fukushima. La firme française dispose d’outils technologiques comme des robots ou des systèmes de retraitement de déchets radioactifs uniques au monde. Les travaux risquent tout de même de durer plusieurs décennies. Le Japon ne perd pourtant pas espoir dans une société dont les valeurs sont très éloignées de nos standards « occidentaux ». Des retraités japonais se sont même portés volontaires pour travailler à la décontamination du site. Plus de 200 vétérans du nucléaire, des ingénieurs ou des techniciens, tous âgés de plus de 60 ans, sont volontaires pour être « des kamikazes ». Ces derniers estiment avoir entre 15 et 20 ans à vivre, soit le temps que mettent certains cancers à se développer. Une initiative saluée par le gouvernement qui estime ne pas avoir besoin de cette main d’œuvre, pour le coup volontaire contrairement à celle que les yakuzas ont recruté.

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