Alex Gibney porte un regard sur la vie, la musique, le combat politique et culturel du génie de l’afrobeat. Sortie en dvd, vod et blu-ray en juillet 2016.

Pour construire son documentaire Alex Gibney, s’est servi des répétitions d’un spectacle de Broadway sur la vie de Fela Anikulapo Kuti, écrit et mis en scène par le célèbre chorégraphe Bill T.Jones. Tout en assistant à des extraits du spectacle assez exceptionnel, on passe à des vrais moments de la vie de Fela grâce à des archives de déclarations fracassantes du chanteur sur sa vie, ses rapports à la politique, ses femmes – il a épousé 27 femmes - sur la culture africaine ; ses enfants, ses maîtresses, ses musiciens, ses agents viennent enrichir le discours ou rétablir certaines déclaration de Fela. Il y a des moments étonnants de musique soit interprétés par Fela lui-même soit par le chanteur de la comédie musicale. Le dispositif fonctionne parfaitement et le chanteur musicien qui joue le rôle de Fela est étonnant de vérité. On est dans un dispositif du style docu fiction assez original.

Le parcours de Fela Kuti est assez connu ; né dans une famille bourgeoise, il ne deviendra pas médecin comme ses frères mais musicien; il voulait être jazzman tel que Miles ou Dizzy, faire la fusion du jazz et du High-life, mais ce style ne marchera pas, alors il inventera une sorte de funk à l’africaine : l’afrobeat. Populaire auprès des laissés-pour-compte, Fela se servira de la musique comme d’une arme pour décrire et critiquer les mœurs socio-politiques scandaleuses, la dictature militaire, la corruption des VIP du Nigéria. Comme Beethoven ou Bach disait-il, il écrira des œuvres longues, de la musique classique africaine. Le pouvoir politique en place fera tout pour le détruire et Fela aura le courage de rester au Nigéria. Sa propriété baptisée Kalakuta Republic sera entièrement rasée dans un raid militaire au cours de laquelle sa mère âgée de 78 ans sera défenestrée et succombera des suites de ses blessures. Cette femme avec son militantisme avait une grande influence sur son fils. Fela Kuti sera plusieurs fois jeté en prison et torturé. Il fera voir à la caméra les traces des sévices subis comme si cela n’avait pas d’importance et lui donnaient encore plus de force pour réagir ! A la fin de sa vie il tombera dans une mystique africaine sous l’influence d’un gourou, un charlatan;

Il s’éteindra le 2 août 1997 malade du sida. Son attitude face à cette maladie et ses déclarations au sujet de la non protection avaient été très critiquées à l’époque. A son enterrement plus d’un million de Lagossiens ont accompagné sa dépouille, obligeant les autorités militaires à quatre jours de deuil national. Ils avouèrent hypocritement avoir perdu « l’un des hommes les plus valeureux de l’histoire du pays ». La construction habile et original, le montage, rendent ce film puissant, énergique, et on reste fasciné par la folie de cet homme qui est encore très célèbre en Afrique juste après Mandela.

A propos de l'auteur

Réalisateur, journaliste

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